Analysis of A monsieur d'Avanson

Joachim du Bellay 1525 (Liré) – 1560 (Paris)



Si je n'ai plus la faveur de la Muse,
Et si mes vers se trouvent imparfaits,
Le lieu, le temps, l'âge où je les ai faits,
Et mes ennuis leur serviront d'excuse.

J'étais à Rome au milieu de la guerre,
Sortant déjà de l'âge plus dispos,
A mes travaux cherchant quelque repos,
Non pour louange ou pour faveur acquerre.

Ainsi voit-on celui qui sur la plaine
Pique le boeuf ou travaille au rempart
Se réjouir, et d'un vers fait sans art
S'évertuer au travail de sa peine.

Celui aussi, qui dessus la galère
Fait écumer les flots à l'environ,
Ses tristes chants accorde à l'aviron,
Pour éprouver la rame plus légère.

On dit qu'Achille, en remâchant son ire,
De tels plaisirs soulait s'entretenir,
Pour adoucir le triste souvenir
De sa maîtresse, aux fredons de sa lyre.

Ainsi flattait le regret de la sienne
Perdue, hélas, pour la seconde fois,
Cil qui jadis aux rochers et aux bois
Faisait ouïr sa harpe thracienne.

La Muse ainsi me fait sur ce rivage,
Où je languis banni de ma maison,
Passer l'ennui de la triste saison,
Seule compagne à mon si long voyage.

La Muse seule au milieu des alarmes
Est assurée et ne pâlit de peur :
La Muse seule au milieu du labeur
Flatte la peine et dessèche les larmes.

D'elle je tiens le repos et la vie,
D'elle j'apprends à n'être ambitieux,
D'elle je tiens les saints présents des dieux
Et le mépris de fortune et d'envie.

Aussi sait-elle, ayant dès mon enfance
Toujours guidé le cours de mon plaisir,
Que le devoir, non l'avare désir,
Si longuement me tient loin de la France.

Je voudrais bien (car pour suivre la Muse
J'ai sur mon dos chargé la pauvreté)
Ne m'être au trac des neuf Soeurs arrêté,
Pour aller voir la source de Méduse.

Mais que ferai-je afin d'échapper d'elles ?
Leur chant flatteur a trompé mes esprits,
Et les appas auxquels elles m'ont pris
D'un doux lien ont englué mes ailes.

Non autrement que d'une douce force
D'Ulysse étaient les compagnons liés,
Et sans penser aux travaux oubliés
Aimaient le fruit qui leur servait d'amorce.

Celui qui a de l'amoureux breuvage
Goûté mal sain le poison doux-amer,
Connaît son mal, et contraint de l'aimer,
Suit le lien qui le tient en servage.

Pour ce me plaît la douce poésie,
Et le doux trait par qui je fus blessé :
Dés le berceau la Muse m'a laissé
Cet aiguillon dedans la fantaisie.

Je suis content qu'on appelle folie
De nos esprits la sainte déité,
Mais ce n'est pas sans quelque utilité
Que telle erreur si doucement nous lie.

Elle éblouit les yeux de la pensée
Pour quelquefois ne voir notre malheur,
Et d'un doux charme enchante la douleur
Dont nuit et jour noue âme est offensée.

Ainsi encor la vineuse prêtresse,
Qui de ses cris Ide va remplissant,
Ne sent le coup du thyrse la blessant,
Et je ne sens le malheur qui me presse.

Quelqu'un dira : De quoi servent ces plaintes ?
Comme de l'arbre on voit naître le fruit,
Ainsi les fruits que la douleur produit
Sont les soupirs et les larmes non feintes.

De quelque mal un chacun se lamente,
Mais les moyens de plaindre sont divers :
J'ai, quant à moi, choisi celui des vers
Pour désaigrir l'ennui qui nie tourmente.

Et c'est pourquoi d'une douce satire
Entremêlant les épines aux fleurs,
Pour ne fâcher le monde de nies pleurs,
J'apprête ici le plus souvent à rire.

Or si mes vers méritent qu'on les loue
Ou qu'on les blâme, à vous seul entre tous
Je m'en rapporte ici : car c'est à vous,
A vous, Seigneur, à qui seul je les voue :

Comme celui qui avec la sagesse
Avez conjoint le droit et l'équité,
Et qui portez de toute antiquité
Joint à vertu le titre de noblesse :

Ne dédaignant, confine était la coutume,
Le long habit, lequel vous honorez,
Comme celui qui sage n'ignorez
De combien sert le conseil et la plume.

Ce fut pourquoi ce sage et vaillant prince,
Vous honorant du nom d'ambassadeur,
Sur votre dos déchargea sa grandeur,
Pour la porter en étrange province :

Récompensant d'un état honorable
Votre service, et témoignant assez
Par le loyer de vos travaux passés
Combien lui est tel service agréable.

Qu'autant vous soit agréable mon livre,
Que de bon coeur je le vous offre ici :
Du médisant j'aurai peu de souri
Et serai sûr à tout jamais de vivre.


Scheme AAAX BAXB CDDC ECCE FBXF CAXC GCCG ABBA HAAH ABIX ADDA AAXX XJJA GIBG KJAA LDDH KBBK ADDJ ADDA DXXD IAAB LAXH ADDJ MAAM XBXX LAJL BABB
Poetic Form Quatrain  (78%)
Metre 1111111111 1111111 01011111111 11111101 111101111 11111111 011111 1111111 11111111 1011111 1111111111 11101111 1111111 11111 11111 11111111 11101011111 11111 110101 111111111 11001111 01111111 11111111 111111 11111111 11111110 10101011110 1111110 11110111 0111111111 11110111 11111111 111101111 111111 1111111111 101111011 11111111 1101111 1011111 11111111 11111111 11111111 1111111111 110111111 11111111 1110111 1111111 11111111 111111 111111 1111111 1011111 110111 1111010110 11111111 10110111 111111111 101111111 110111101 11111 11101111 1111111 111011111 1111111 11111111 1111101 11111111 1111110111 111111 1111111 11011111 111101111 1111111 111111101 1111111 11111111 1111111 11111110 11111111 1111010111 1111110 111111 111101111 1110111 1111111111 11111111101 11111111 01111111 111111 1101111 111111 1101101 11101111 0110111 11111 11101111 11111111 11111 11111101 11101110 111111000 1101111 101011111 11001110110 11111011 111110111 1111111 11111111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 4,103
Words 738
Sentences 27
Stanzas 27
Stanza Lengths 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4
Lines Amount 108
Letters per line (avg) 29
Words per line (avg) 7
Letters per stanza (avg) 116
Words per stanza (avg) 28
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:56 min read
118

Joachim du Bellay

Joachim du Bellay was a French poet, critic, and a member of the Pléiade. more…

All Joachim du Bellay poems | Joachim du Bellay Books

0 fans

Discuss this Joachim du Bellay poem analysis with the community:

0 Comments

    Citation

    Use the citation below to add this poem analysis to your bibliography:

    Style:MLAChicagoAPA

    "A monsieur d'Avanson" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 20 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/21341/a-monsieur-d%27avanson>.

    Become a member!

    Join our community of poets and poetry lovers to share your work and offer feedback and encouragement to writers all over the world!

    May 2024

    Poetry Contest

    Join our monthly contest for an opportunity to win cash prizes and attain global acclaim for your talent.
    11
    days
    8
    hours
    14
    minutes

    Special Program

    Earn Rewards!

    Unlock exciting rewards such as a free mug and free contest pass by commenting on fellow members' poems today!

    Browse Poetry.com

    Quiz

    Are you a poetry master?

    »
    AA Milne wrote: "A bear, however hard he tries..."
    A "stinks and attracts the flies"
    B "has very very tired eyes"
    C "can never stop telling lies"
    D "grows tubby with no exercise"