Analysis of Le Val des marguerites

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



C’est au fond d’un ravin fantastique et superbe
Où maint rocher lépreux penche et dresse le front :
Une espèce de puits gigantesquement rond
Dont l’eau n’aurait servi qu’à faire pousser l’herbe.

Là, le mystère ému déployant ses deux ailes
Fantomatise l’air, les pas et les reflets :
Il semble, à cet endroit, que des lutins follets
Accrochent leurs zigzags à ceux des demoiselles.

L’horreur des alentours en ferme les approches ;
L’écho n’y porte pas le sifflet des convois ;
Ses murmures voilés ont le filet de voix
Des gouttelettes d’eau qui filtrent sous les roches.

C’est si mort et si frais, il y flotte, il y vague
Tant de silence neuf, de bruit inentendu,
Que l’on pressent toujours en ce vallon perdu
Quelque apparition indéfiniment vague !

Il n’a jamais connu ni moutons, ni chevrettes,
Ni bergère qui chante en tenant ses tricots ;
Les tiges de bluets et de coquelicots
N’y font jamais hocher leurs petites aigrettes :

Mais, entre ses grands houx droits comme des guérites,
Ce val, si loin des champs, des prés et des manoirs,
Cache, tous les étés, ses gazons drus et noirs
Sous un fourmillement de hautes marguerites.

Chœur vibrant et muet, innocent et paisible,
Où chaque pâquerette, à côté de sa sœur,
A des mouvements blancs d’une extrême douceur,
Dans la foule compacte et cependant flexible.

L’oiseau, pour les frôler, quitte l’orme et l’érable ;
Et le papillon gris, dans un mol unisson,
Y confond sa couleur, sa grâce et son frisson
Quand il vient y poser son corps impondérable.

Le Gnome en phaéton voit dans chacune d’elles
Une petite roue au moyeu d’or bombé,
Et le Sylphe y glissant pense qu’il est tombé
Sur un nuage ami de ses battements d’ailes.

La Nature contemple avec sollicitude
Ce petit peuple frêle, onduleux et tremblant
Qu’elle a fait tout exprès pour mettre un manteau blanc
À la virginité de cette solitude.

On dirait que le vent qui jamais ne les froisse
Veut épargner ici les fleurs des grands chemins,
Qui plaisent aux yeux purs, tentent les tristes mains,
Et que l’Amour peureux consulte en son angoisse.

Nul arôme ne sort de leur corolle blême ;
Mais au lieu d’un parfum mortel ou corrupteur,
Elles soufflent aux cieux la mystique senteur
De la simplicité dont elles sont l’emblème.

Et toutes, chuchotant d’imperceptibles phrases,
Semblent remercier l’azur qui, tant de fois,
Malgré le mur des rocs et le rideau des bois,
Leur verse de si près ses lointaines extases.

Avant que le matin, avec ses doigts d’opale,
N’ait encore essuyé leurs larmes de la nuit,
Elles feraient songer aux vierges de l’ennui
Qui s’éveillent en pleurs, et la face plus pâle.

Le soleil les bénit de ses yeux sans paupières,
Et, fraternellement, ce Gouffre-Paradis
Reçoit, comme un baiser des alentours maudits,
L’âme des végétaux et le soupir des pierres.

Puis, la chère tribu, quand le soir se termine,
Sous la lune d’argent qui se joue au travers,
Devient, entre ses houx lumineusement verts,
Une vapeur de lait, de cristal et d’hermine.

Et c’est alors qu’on voit des formes long-voilées,
Deux spectres du silence et de l’isolement,
Se mouvoir côte à côte, harmonieusement,
Sur ce lac endormi de blancheurs étoilées.


Scheme ABBA CCCC CCCC DBBD CCCC XCXC EFFE EGGE CXXC BBXX CXXC HFFH XCXC EBGE XXCC GXCG IBBI
Poetic Form Quatrain  (71%)
Metre 111110111 11101111101 1111111 11111111 1011111111 1111111 11111111 1110111 1111111 111110111 1111100111 11111111 111111111111 11101111 11111111 1010111 11111111 1111111011 1111111 1111111 11011111111 111111111111 1111111111 111111 11101110011 1111111111 01111111 111111100 10111111111 10111111 1111111111 1111101111 011111111 10111111 1011111011 111101111 110111 110110111 10111111111 111110 1110111111 111111110 111111111 11111111 1111111111 11111111 11111011 11111111 111110 11101111 10111100111 111111111 011011111 11111111 11101111 11111111110 001111111111 1111010 11111111 11111110111 11111101110 1111111110 1101111 111111011 1111111111 11110111 1111111 11111111
Closest metre Iambic heptameter
Characters 3,213
Words 528
Sentences 17
Stanzas 17
Stanza Lengths 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4
Lines Amount 68
Letters per line (avg) 36
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 142
Words per stanza (avg) 31
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 14, 2023

2:38 min read
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Maurice Rollinat

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    "Le Val des marguerites" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 19 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27803/le-val-des-marguerites>.

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