Analysis of Où vais-je?

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



Sur les petits chênes trapus
Voici qu’enfin las et repus
Les piverts sont interrompus
              Par les orfraies.
A cette heure, visqueux troupeaux,
Les limaces et les crapauds
Rampent allègres et dispos
              Le long des haies !

Enfin l’ombre ! le jour a fui.
Je vais promener mon ennui
Dans la profondeur de la nuit
              Veuves d’étoiles !
Un vent noir se met à souffler,
Serpent de l’air, il va siffler,
Et mes poumons vont se gonfler
              Comme des voiles.

Au fond des grands chemins herbeux,
Çà et là troués et bourbeux,
J’entends les taureaux et les bœufs
              Qui se lamentent,
Et je vais, savourant l’horreur
De ces beuglements de terreur,
Sous les rafales en fureur
              Qui me tourmentent !

Sur des sols mobiles et mous,
Espèces de fangueux remous,
Je marche avec les gestes fous
              Des maniaques !
Où sont les arbres ? je ne vois
Que les yeux rouges des convois
Dont les sifflements sont des voix
              Démoniaques.

Hélas ! mon pas de forcené
Aura sans doute assassiné
Plus d’un crapaud pelotonné
              Sur sa femelle !
Oh ! oui, j’ai dû marcher sur eux,
Car dans ce marais ténébreux
J’ai sentis des frissons affreux
              Sous ma semelle.

Et je marche ! Or, sans qu’il ait plu,
Tout ce terrain n’est qu’une glu ;
Mais le vertige a toujours plu
              Au cœur qui souffre !
Et je m’empêtre dans les joncs.
Me cramponnant aux sauvageons
Et labourant de mes plongeons
              L’ignoble gouffre !

Sous le ciel noir comme un cachot,
Crinière humide et crâne chaud,
Je m’avance en parlant si haut
              Que je m’enroue.
Suis-je entré dans un cul-de-sac ?
Mais non ! après de longs flic-flac
Je finis par franchir ce lac
              D’herbe et de boue

Les chiens ont comme les taureaux
Des ululements gutturaux !
Pas une lueur aux carreaux
              Des maisons proches !
N’importe ! je vais m’enfournant
Dans la nuit d’un chemin tournant
Et je clopine maintenant
              Parmi des roches.

Où vais-je ? comment le savoir ?
Car c’est en vain que pour y voir
Je ferme et j’ouvre dans le noir
              Mes deux paupières !
Terre et Cieux, coteau, plaine et bois
Sont ensevelis dans la poix,
Et je heurte de tout mon poids
              De grandes pierres !

Les buissons sont si rapprochés
Qu’à chaque pas sur les rochers
Mes vêtements sont accrochés
              Par une ronce.
Derrière, devant, de travers,
Le vent me cravache ! oh ! quels vers
J’ébauche dans ces trous pervers,
              Où je m’enfonce !

La rocaille devient verglas,
Tenaille, scie, et coutelas !
Je glisse, et le mince échalas
              Que j’ai pour canne
Craque et va se casser en deux…
Mais toujours mon pied hasardeux
Rampe, et je dois être hideux
              Tant je ricane !

Et je tombe, et je retombe ! oh !
Ce chemin sera mon tombeau !
Un abominable corbeau
              Me le croasse !
Sur mon épaule, ce coup sec
Vient-il d’une branche ou d’un bec ?
Et dois-je aussi lutter avec
              L’oiseau vorace ?

Bah ! je marche toujours ! bravant
Les pierres, la nuit et le vent !
J’affrontais bien auparavant
              La vase infecte !
Où que j’aventure mon pied
Je trébuche à m’estropier…
Mais dans ce rocailleux guêpier
              Je me délecte !

Rafales, ruez-vous sans mors !
Ronce, égratigne ; caillou, mords !
Nuit noire comme un drap des morts,
              Sois plus épaisse !
Je ris de votre acharnement,
Car l’horreur est un aliment
Dont il faut qu’effroyablement
              Je me repaisse !…


Scheme AAAAAAAA XBCADDDA AAACDDDC AAAAAAAA BXBEAAAE EEEDAAAD CCCDFFFG AAAACCCA DDDAAAAA AAAAAAAA AAABAAAB XXGAHHFA CCCCCDDC AAAACCCA
Poetic Form
Metre 111111 11111 1111 111 01111 11111 11111 0111 110101 1111010 111111 111 111111 1011111 111111 111 1111101 111111 1111111 111 11111 11111 11111 111 1111011 11111 111111 11 1111111 111111 111111 11 111111 1011010 1111 111 11111011 1111111 11111 111 11111111 1101111 101011 11111 1111111 1111 11111 11 1011111 1111111 111111 111 11111111 11111111 111111 1111 111111 111 11111 111 1111 111111 1111 111 1111001 11111111 1111101 1111 10111111 11111 1111111 111 111111 111111 111111 111 111110 0111111 111111 111 1111 1111 111011 1111 1111111 11111 111111 111 1111111 111011 1010001 101 111111 1111111 1111101 101 11111 1111101 111 111 11111 1111 111111 1111 11111 1111 1111111 111 11111 110111 1111 111
Closest metre Iambic tetrameter
Characters 3,545
Words 537
Sentences 51
Stanzas 14
Stanza Lengths 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8
Lines Amount 112
Letters per line (avg) 21
Words per line (avg) 5
Letters per stanza (avg) 170
Words per stanza (avg) 41
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on April 12, 2023

2:41 min read
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Maurice Rollinat

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    "Où vais-je?" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 19 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27952/o%C3%B9-vais-je%3F>.

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